mercredi 13 mars 2013

Interlude - Gadget et antiquité, un même modèle économique

Fabrication et vente de peigne en os TongLi

Il peut être surprenant de trouver d'une ville à l'autre, d'une région à l'autre, les mêmes gadgets, jouets, babioles pour touristes ainsi que les mêmes authentiques souvenirs vendus dans les boutiques.

D'abord, on remarque un étrange OVNI scintillant dans le ciel, au milieu de la foule indifférente et blasée, une dame s'échine à catapulter le plus haut possible une sorte de jouet lumineux qui retombe en tourbillonnant quelques instants plus tard. C'est du plus bel effet dans la nuit tombante. Inlassablement, la démonstratrice va rechercher son engin et recommence. Un peu plus loin, une autre dame ou peut-être un monsieur fait voleter une sorte d'hélicoptère juste au dessus des badauds passant. Sans nous en rendre compte, on en a déjà croisé des dizaines dispersées le long de la rue ou sur la place que l'on vient de traverser. Ils sont démonstrateurs de jouets ou de gadgets généralement lumineux, parce que c'est la mode en ce moment. Les Chinois raffolent de ce qui brille et fait de la lumière.


Marché à ShangHai

Mais ce qui est réellement surprenant, ce n'est évidemment pas la présence de vendeurs à la sauvette de tout et de rien, mais que ces tout et rien soient les même à ShangHai, SuZhou, HanZhou, TunXi et plus loin Xiamen, GanZhou ou GuiLin. Où que l'on aille, on retrouve le même bidule clignotant. Il y aurait donc une source unique pour ces machins inutiles. C'est étonnant sur le moment, mais d'un point de vu économique cela s'explique. C'est lié à un mécanisme spécifique nommé : l'économie d'échelle. Quelque part une usine a mis en œuvre son savoir-faire et ses machines pour produire ces choses. Toutefois l'inutilité des ces pacotilles obligent de les vendre pour quelques Kwais à peine. La marche bénéficiaire sur chaque vente n’excède pas un ou deux maos, voire même moins.

Rappel technique :
  • le Kwai est un synonyme pour le RMB. C'est la monnaie en vigueur dans la République populaire de Chine. Il faut, plus ou moins, 8 RMB pour 1 euro.
  • Le mao c'est l'appellation familière pour le Jiao, ça représente 10 centimes de RMB.

Ces objets sont en plastique, avec des diodes et une pile. Il y a donc un petit circuit électrique en plus. Pour les fabriquer un ingénieur a fait des plans, des ouvriers on fabriqué des moules pour le plastique et puis d'autres ont assemblé le tout. Tout ce processus coût beaucoup d'argent. Or, au final, chaque unité ne peut être vendue très cher, les marges sont particulièrement réduites. Il faut en vendre des milliers pour que le fabricant rentre dans ses frais avant même de dégager le premier bénéfice. Heureusement, la Chine est un gigantesque marché de plus d'un milliard cinq cents millions de consommateurs potentiels. En proposant ces gadgets partout, il y a donc toujours quelqu'un quelque part qui en achète. Avec un prix inférieur à celui d'un bol de riz, tout un chacun, même le plus pauvre, peut acquérir un de ces indispensables inutiles.
Voilà donc pourquoi, d'un bout à l'autre de l'empire céleste, les mêmes bidules volants et clignotants éclairent les ciels nocturnes des rues commerçantes et des quartiers touristiques.

La rue Commerçante de LaoJié - TunXi

Non sérieux, vous pensiez vraiment avoir acheté une véritable antiquité pour 200 kwais ? Le même processus économique est à l’œuvre dans les boutiques de souvenir plus chics. D'abord, il est interdit en Chine de vendre de véritables pièces d'antiquité. Celles-ci sont considérées comme des trésors nationaux soumis à la loi de protection du patrimoine historique et donc interdites à la vente et à l'exportation.
Ceci étant dit, aucun marchand honnête ne vous le cachera. Le certificat d'exportation reçu à l'achat de certaines pièces indique juste qu'il ne s'agit pas d'originaux soumis à la loi de protection du patrimoine. Donc, cette très jolie théière ancienne est une copie. Cela n'enlève rien aux qualités de l’artisan qui l'a réalisée. Mais il faut accepter que ces magnifiques pièces, en vitrine ou présentées autour d'une tasse de thé que l'on aura prise dans la réserve du magasin, sont des œuvres issues de l'artisanat contemporain. Les vraies antiquités sont visibles, mais protégées dans les musées. Comme la Joconde qui trône dans votre salon n'est pas non plus l'originale, celle-ci est au Louvre à Paris. Elle est visible selon les heures d'ouverture du musée : tous les jours de 9h à 18h sauf le mardi, nocturnes jusqu’à 21h45 le mercredi et le vendredi.

Comme le bidule clignotant en plastique, la production des théières souvenir, des vases Ming, des poteries Tang où provenant d'autres dynasties anciennes, n'est rentable que si l'on vend plusieurs reproductions des mêmes pièces. On va donc aussi retrouver, dans ce cadre, des artefacts similaires dans des boutiques aux quatre coins du pays.
Les plus belles pièces ne sont pas différenciées par leur ancienneté, mais par la qualité du travail de l'artisan qui l'a réalisé. Avec un peu d'expérience, la différence entre deux panneaux laqués « anciens » apparaît très rapidement. Charge à chacun de négocier le prix qu'il souhaite payer. Comme dit le proverbe : une bonne négociation c'est quand le vendeur est content du prix et que l'acheteur est heureux de payer.

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